Booster

Killer Queen

  Et d’un coup, ils se sont mis au garde à vous. Soldats fiables, qui ne tremblent pas quand il faut se dresser. Je les ai senti les u...

jeudi 29 septembre 2016

Une histoire de perspective.

Hier soir, alors que je rentrais avec l'allure désespérée de l'antilope poursuivie par le tigre surpris pendant son apéro au point d'eau, mon chemin croisa celui d'une vieille dame.

Jusque là, rien d'anormal.
Le 4ème (voire 5ème âge) peuple la capitale et mon village bourgeois.

Mais à l'approche de ce specimen grisonnant, je prends conscience de sa position somme toute pas du tout orthodoxe :  elle était pliée en deux. Littéralement. Elle formait un angle droit parfait avec le trottoir.
Soutenue par un bidule à roulettes qui tenait davantage du tancarville que de la poussette, je la voyais se débattre avec les aspérités du bitume.

En ralentissant mon allure, plusieurs questions s'imposèrent.

Déjà : que fait une dame aussi âgée à courir les rues à 19h30 ? La nuit va tomber et je ne donne pas chère de sa personne. Elle vacille dangereusement.
Pourquoi n'y a-t-il aucune aide à domicile pour la décharger de cette corvée ?
Les médias nous rabâchent à longueur d'année que le taux de chômage ne cesse d'augmenter et que les revenus - eux - ne cessent de diminuer, mais n'y aurait-il pas intérêt à se trouver une vocation dans la gériatrie ? Et faire d'une pierre deux coups (non, on ne tue pas les séniors avec un caillou), donner un emploi à un chômeur longue durée et apporter confort et compagnie à une mamie ?

Je m'interrogeais donc tout en approchant du phénomène courbé.

Ma myopie m'avait caché jusque là qu'elle était en train d'éviter une zone pierreuse de ce trottoir en travaux (à dire plusieurs fois à haute voix très vite) et tentait donc la marche arrière.
Clairement, elle a contribué à alimenter la légende urbaine sur les compétences de conductrice de la Femme.
Mais elle était là, toute petite, toute pliée, à se débattre vaillamment avec son engin à roulettes qui ne roulent pas (une fois à cette distance, à part mettre de l'huile ou changer le machin, je ne vois pas), pour éviter la zone à risques et poursuivre son chemin jusqu'au Franprix qui - pour l'antilope que je suis - se trouve à deux enjambées (gracieuses).

Pourquoi ne lui ai-je pas porté secours me direz-vous ?
Et vous aurez raison.

La gêne. Je ne vois que ça. La gêne d'interrompre ce défi qu'elle relevait de la vie. Car toute arquée et bossue qu'elle était, cette dame n'abandonnait pas. Elle avait la ferme intention de faire ses courses à l'heure de la fermeture, pendant que de jeunes actifs stressés remplissaient leur frigo pour le soir : elle ferait ses courses quitte à ralentir la dernière caisse ouverte, caissière qui attend l'heure de la fermeture en fixant la pendule comme tout employée qui a manqué de s'engager dans la fonction publique.

J'ai donc fait un écart pour ne pas bousculer l'objet de ma curiosité.

Et tandis que je reprenais ma course effrénée vers ma réconfortante mini-maison, je continuais à penser à cette grand-mère.
Imaginons qu'elle soit parvenue à effectuer sa marche arrière pour reprendre sa route et qu'elle a atteint le supermarché dans les temps - imaginons j'ai dit - une fois sur place, comment ça se passe ?
Elle n'achète que des objets situés en bas des rayons ?
A-t-elle seulement connaissance qu'il existe tout un monde au-dessus de ses épaules endolories par sa vie déjà longue ?
Qu'est-ce qu'on mange quand on ne peut que se baisser ?

J'étais sincèrement perplexe. Et inquiète.
Et honteuse aussi. Si j'avais pris quelques minutes, pour l'aider, pour lui acheter les produits en haut de gondoles, qui sait : je lui aurais peut être donné un peu de bonheur pour effacer toute la méfiance qui peignait ses rides ?

Car tout est là, aujourd'hui on a peur de l'autre. Grand, bruyant ou courbé. Celui qui marche vite ou celui qui prend possession du trottoir sans se soucier de son prochain. Enfin de son prochain qui le suit. De son suivant donc. Mais qui ne le sert pas entendons-nous bien. Enfin bref.
On se méfie, on évite, on détourne les yeux, on avance, on accélère même et vite, vite, on pense à autre chose.

Car pendant que je vous parle de notre têtue de bossue, je ne vous parle pas de la famille de réfugiés croisée à la sortie du métro. Ni de cet homme très grand et imposant en train de manger à même la poubelle de ce fameux supermarché. Ni encore de cet autre homme et de son chien qui font la manche les bras nus.

Parce que pour eux, je ne veux pas avoir de mots pour justifier. Je veux faire mieux. Je trouverai.


mardi 13 septembre 2016

En dansant la javanaise - Saya bicara bahasa !

Depuis deux mois, j'essaie de me recentrer. J'ai eu le sentiment, au retour de Bali, de m'éparpiller. Pire : d'avoir explosé et d'être partie dans plusieurs directions à la vitesse de la lumière. Pour au final avoir la sensation de me transformer en trou noir. Vide. Aspirant ma propre énergie.

Je ne vous cache pas que j'ai quelque peu paniquée. J'avoue, j'en ai bavé...
D'abord je suis rentrée. Alors que je n'en avais pas du tout envie.
Puis j'ai repris le boulot. Alors que je n'en avais pas du tout envie.
Enfin j'ai lancé Google. Et je me suis perdue.

Je n'avais aucun plan donc tout y est passé : des blogs de voyageurs chevronnés pour qui je n'ai qu'admiration et jalousie (sérieusement : comment font-ils pour avoir la vie dont je rêve ?!) aux sites pour mettre en relation les expatriés déjà sur place et moi. Et là bonjour l'accueil. "Bali ça se mérite" que m'a lancé ce retraité aigri. Ok. Et donc, je ne mérite pas Bali ? Et Bali ne me mérite pas ? Non mais d'où ce type m'insulte et veut annihiler ma démarche ?! Il veut se garder Bali pour lui tout seul, voilà mon avis. J'avais envie de voir en lui cet amour. Hélas Bali en vain me voue à l'Amour.

Dans le même temps je me renseignais pour savoir comment emmener ma terreur à poils.

En parallèle je regardais le prix des loyers. Et tous les jours - absolument tous les jours - je faisais des recherches de billets d'avion, le temps d'une chanson.

Comme ça ne suffisait pas à créer un chaos parfait dans ma jolie tête blonde (oui, le soleil me file des mèches), j'ai décidé d'apprendre l'indonésien. Je poursuivais ma danse acrobatique, mon cerveau avait intérêt à avoir le sens du rythme.
Je suis sérieuse. Voilà 59 jours que j'ai téléchargé pêle-mêle Babbel, Memrise et que je me suis abonnée au Podcast LearningIndonesian avec Saun et Cici (prononcé "tchitchi"). Avant d'avoir eu vent d'HelloTalk. Application qui permet de mettre en relation les habitants de la planète. Chacun aidant l'autre dans sa langue natale. Idée brillante.



Et enfin j'ai découvert la philosophie véhiculée par Hal Elrod - dont je vous ai déjà un peu parlé ici - et ses copains dans une optique de développement personnel.

Bien entendu, j'ai profité de cet élan curieux et avide pour acheter une cargaison de bouquins. Du Miracle Morning à Anthony Robbins, du roman balinais pur jus avec "Sang et Volupté" (superbe) aux récits loufoques de Nigel Barley, des mini méthodes assimil, des récits de voyages, un peu d'Ho'oponopono que je découvre aujourd'hui et... nous y voilà.
Envahie par les livres, je lis, je lis, j'apprends, j'oublie, je retiens, je veux aller plus loin.

Fanny - version "in progress". Un peu plus posée. Toujours un peu perdue.
Mais avec le sentiment que la destination vaut le coup. Quelqu'elle soit.

Et aujourd'hui, j'ai récolté les premiers fruits de mes efforts. (admirez cette subtile métaphore maraîchère).
Après avoir installé HelloTalk ce week-end j'ai commencé à découvrir le principe. Je précise quelle langue je veux apprendre et l'application me propose des comptes d'autochtones désireux d'améliorer leur français. Voilà un échange de bons procédés qui me plaît !
Très rapidement, de jeunes javanais - étudiant(e)s pour la plupart m'abordent. C'est à dire qu'ils sont là, en direct, connectés avec moi, et ils me parlent. Et ils attendent une réponse.
Je me suis jetée à l'eau, j'ai retenu ma respiration et j'ai commencé à tapoter.

Et je découvre, rassérénée qu'HelloTalk propose une traduction instantanée. Soit pour comprendre ce qu'on m'envoie, soit pour vérifier ce que je m'apprête à envoyer. Magique.
Avec les mots que je connais déjà et avec l'aide du traducteur intégré, me voilà discutant avec des javanais ! J'échange surtout avec une jeune fille qui étudie la littérature française. Sa maîtrise du français est bluffante. Et sa gentillesse et son enthousiasme à m'aider me rappelle la légendaire gentillesse indonésienne.
J'apprends de nouveaux mots, associés à ceux que j'ai désormais acquis, j'arrive à faire les connexions et à comprendre et réutiliser les pronoms, expressions.
Elle me demande où j'habite, si je connais la Tour Eiffel (c'est touchant de voir que Paris fait toujours son petit effet). Quand est-ce que je compte revenir à Bali ("Kapan kamu akan pergi ke Bali lagi ?") ou si je pense aller ailleurs.
Je comprends tout et je peux lui répondre. Je me sens incroyablement brillante. Et fière. Ne vous déplaise.



Mais mes progrès vont être sérieusement récompensés quand deux heures plus tard, alors que j'abordais la 33ème leçon du podcast, je découvre avec contentement que je connaissais déjà la plupart des mots. Ce vocabulaire ne m'était plus étranger grâce à ma nouvelle amie javanaise.

J'ai valsé dans ma tête. Avec moi. Je souriais Boulevard Voltaire, je virevoltais mentalement, les poumons remplis de fierté, le pas sûr. Ça aura duré un peu plus que le temps d'une chanson, mais je ne doute pas que l'indonésien et moi nous aimions.

Toute cette gratitude renforce ma détermination. Moi qui doutais encore la semaine dernière de l'intérêt d'apprendre le bahasa. Aujourd'hui j'ai l'impression d'avoir un secret, une info géniale dans ma tête, que je chéris et cache. Que je garde pour moi. Je suis positivement fière de moi. Et je sais qu'à chaque prochain dérapage de motivation, il me suffira de me souvenir de cette javanaise.

Et de la chanson.